Shadowrun à l’origine, c’est un jeu de rôle des années 90 (avec des dés et tout) qu’on pourrait résumer en « Alors fuck it, on n’a qu’à dire que dans le futur y’a des trolls et des elfes et des nains et pis des orcs et qu’ils vivent dans des grandes villes et que Danone et FDP BNP Paribas sont dirigés par des dragons. Y’aurait des flingues et de la magie, des esprits de la nature et un monde virtuel qu’on appellerait la Matrice et ça serait trop cool. » Et en effet, c’est plutôt cool.
Dragonfall est une campagne qui nous propose d’arpenter les rues de Berlin en 2054, lorsque cette dernière est devenue une ville indépendante de toute forme de gouvernement, une espèce de bastion d’anarchie dont les quartiers s’organisent comme autant de petites entités indépendantes. Nouvel arrivant dans l’un de ces quartiers, le Kreuzbazar, le joueur intègre une équipe de shadowrunners.
Shadowrunner c’est un peu flou comme métier, au croisement entre coursier, porte-flingues et cambrioleur. En mission, ça s’organise en groupes de quatre, en choisissant parmi les membres de la petite équipe (un sniper, un medic avec des options de CàC, un shaman et un hacker) ou en recrutant des freelances pour combler les lacunes. On se tournera logiquement plus facilement vers nos coéquipiers du Kreuzbazar, puisqu’en plus de bosser (presque) gratuitement ils possèdent chacun une personnalité propre que l’on peut influer sur leur progression. Néanmoins, l’éventail de capacités de chaque personnage étant assez limité (une petite douzaine de sorts / actions de combat / gadgets par classe), c’est bien d’avoir un peu plus de choix de temps en temps.
Bla bla bla
L’un des points forts de ce Shadowrun, ce sont ses dialogues. Et il y en a beaucoup. Des caisses entières de dialogues pour chaque PNJ un peu important, et l’équivalent de la cargaison d’un transatlantique pour les personnages principaux. Ce qui a l’avantage de donner une personnalité et une histoire au moindre barman du coin de la rue, mais bon sang, faut aimer lire (en anglais) ! Cette surabondance de texte est aussi une façon de compenser la sobriété, voire la désuétude de la mise en scène du jeu. En effet, on ne quitte jamais la vue isométrique qui, bien qu’idéale pour les combats au tour par tour et enjolivée par de très beaux décors dessinés, n’est pas terrible question dynamisme. Quant aux modèles 3D des personnages, je pense qu’ils sont la définition même du mot désuet. Il faut donc s’appuyer uniquement sur notre sens inné du roleplay et sur la truculence des dialogues (aaah, l’argot des rues des années 2050, quel charme) pour profiter pleinement du plot de Dragonfall, une histoire ma foi fort prenante qui se dévoile petit à petit au fil des découvertes de notre petit groupe de runners et des lieux qu’ils visitent / cambriolent / saccagent. N’en attendez pas par contre une quelconque forme de liberté, l’enchaînement des quêtes est tout ce qu’il y a de plus linéaire, et tout ce que vous pourrez faire c’est de décider de l’ordre dans lequel vous les accomplirez – ou pas, puisqu’il est toujours possible d’envoyer votre contact chez Enfoiré Corporation ou le receleur du coin se faire voir si vous considérez que sa quête manque d’éthique ou qu’elle n’est pas assez bien payée !
Enfin, quand ce ne sont pas simplement les PNJs qui vous détestent parce que vous avez insulté leur mère, bien sûr. Les dialogues, décidément, c’est important !
Kombats et Karma
Pas d’XP dans Shadowrun, mais du Karma, qui est un peu comme de l’XP mais aussi comme du… ben du karma de la vraie vie, quoi : on comprend pas trop comment ça marche, des fois on en a plein, des fois on n’en a pas trop, mais on suppose que ça dépend du degré de réussite d’une quête, chose difficile à juger quand on a précipité tout un bloc d’habitation vers une mort certaine (et sûrement vachement douloureuse) et débarrassé le quartier du joug d’un gang sanguinaire dans le même après-midi. On s’en sert pour améliorer nos caractéristiques et nos compétences, laborieusement puisque le niveau 1 d’une skill vaut toujours un point de Karma, mais que le niveau 2 en coûte deux, et ainsi de suite jusqu’au maximum autorisé par la race choisie par le joueur, qu’on n’atteindra quasiment jamais parce que ça coûte quand même vachement cher (45 points pour monter au niveau 9 de n’importe quoi, qui est le maximum pour les Humains) quand on n’arrive difficilement à 150 points de Karma à la fin du jeu.
Il est tentant de mettre un peu de points dans tout, ce qui est rarement une bonne idée vu que notre personnage ne sera au final, bon à rien et malheureusement, l’influence des niveaux de compétences dans ce jeu reste très obscure. Je comprends bien que mettre des points dans le combat au corps à corps me permet de cogner plus efficacement et de débloquer de nouveaux coups, mais quid des chances de toucher, de faire des coups critiques, et des dégâts en plus… ? Mystère.
Quant au système de combat, on ne va pas trop s’étendre dessus – il est tout simple : on a des points d’actions, on les utilise pour bouger, tirer, lancer des sorts ou interagir avec le décor, le tout au tour par tour. Rien de bien nouveau, mais c’est efficace bien que manquant parfois un peu de profondeur.
Le truc fun, c’est que certaines missions nécessitent de hacker des systèmes informatiques, ce qui se traduit bien sûr par un voyage dans la Matrice : la classe des Deckers, qui est une profession un peu à part, peut s’incarner dans ce monde virtuel pour y récolter des informations ou prendre le contrôle de caméras de surveillance par exemple. Ce qui donne lieu à des affrontements très funs, où le gros de l’équipe canarde les forces de sécurité d’un immeuble pendant que le Decker, planqué derrière un bureau, est plongé dans la matrice et livre un autre combat en parallèle contre des programmes de sécurité pour voler des fichiers sensibles ou ouvrir un passage à ses alliés.
Ça veut dire la chute du dragon, en Anglais.
Bien que loin de la perfection, Dragonfall est un RPG solide que j’ai beaucoup aimé grâce à son histoire prenante, ses personnages attachants (quel cliché cette phrase) et son putain d’univers barré dans lequel on croise des businessmen Trolls en costard dans le métro et des fondus de mécanique Nains qui bricolent des drones sur la place du marché. Je ne saurais dire s’il était trop court, tant j’ai kiffé parcourir ce Berlin riche d’endroits bizarres et de personnages marquants, ou trop long, tant les dialogues s’éternisent parfois, mais enfin, au final je ne regrette qu’une… okay, deux choses : que le jeu n’offre pas plus de libertés, comme celle de choisir ses missions ou la façon de mener l’enquête, et que nom d’une pipe, seuls deux des quatre coéquipiers de l’équipe ont une ‘vraie’ quête personnelle alors que l’histoire des deux autres est quand même vachement intéressante.
Note : Dragonfall fait partie d’une série, Shadowrun Returns, dont le premier opus intitulé Dead Man’s Switch se passait à Seattle. Y’a pas vraiment de lien scénaristique entre les deux, si ce n’est leur appartenance à la timeline de l’univers Shadowrun. Si je n’ai pas parlé de Dead Man Switch, c’est qu’il ne m’a pas emballé plus que ça, avec son écriture caricaturale et son scénario peu accrocheur. Premier essai d’un petit studio indépendant, il posait les bases de ce que j’espère être une longue série d’épisodes de Shadowrun Returns dont la qualité ira (avec un peu de chance) croissant et dont le contenu s’enrichira.
Croisons les doigts pour que Shadowrun : Hong Kong sorti il y a quelques jours me conforte dans cette opinion, et, promis, je vous en fais une review très vite.
On aime
- Une excellente histoire
- Des équipiers pleins de charisme
- Les décors en 2D isométrique sont super beaux
- Un univers assez génial
- C’pas cher !
On râle sur
- La feuille de personnage hyper-simplifiée
- Trop linéaire !
- La gestion de l’inventaire est merdique.