par Doude le 5 décembre 2011
 

Alice – Retour au Pays de la Folie

Tout va bien dans ma tête.

Des adaptations de l’Alice au Pays des Merveilles de Carroll, il y en a eu une cargaison, du film d’animation niaiseux au comic book coquin en passant bien sûr par le jeu vidéo parodique. Puisque j’ai la flemme de les lister ici et que de toutes façons ça ne vous intéresse pas, je vais plutôt vous expliquer ce qui rend cette adaptation-ci si intéressante.

Date de sortie: 16 juin 2011
Genre: Action dépressive sous acide
Plate-forme: PC, PS3, Xbox 360. Testé dans sa version PC.

Editeur: Electronic Arts
Développeur: Spicy Horse Studio

 

Dur d’être objectif ici: j’ai eu un coup de coeur pour ce jeu. Avant tout, contextualisons un brin: ce Retour au Pays de la Folie est la suite du jeu American Mc Gee’s Alice, dans lequel Alice Lidell, devenue folle après la mort de sa famille dans un incendie inexpliqué, est internée dans un asile. Elle s’enferme alors dans un Pays des Merveilles sombre et torturé, reflet de son esprit dérangé. Je n’y ai pas joué, je ne saurai donc vous en dire plus… toujours est-il qu’Alice 2 nous met aux commandes de cette même Alice, dix ans après la mort de sa famille. Elle va mieux, n’a plus d’hallucinations et reprend sa vie dans le Londres crasseux du 19e siècle. J’ai dit mieux? Oups, erreur: la belle va rapidement se retrouver confrontée à ses vieux démons et replonger dans ses hallucinations colorées. Le Pays des Merveilles n’est plus que ruines et rivières de sang et se révèle aussi instable que l’esprit d’Alice. Il va falloir jouer les hachoirs à viande pour remettre de l’ordre à la fois dans Wonderland et dans les souvenirs de la belle folle.
La tête d'Alice, un endroit où qu'on aimerait aller en vacances.

"Mais je ne suis pas folle!"

Parlons-en de ce fameux Pays: exit les représentations éculées et hyper-connues qu’ont véhiculées les films de Disney et Burton (pour ne citer qu’eux, la comparaison est de toute façon inévitable lorsque l’on parle de cet univers!), Retour au Pays de la Folie joue la carte du dépaysement (quel cliché cette phrase): si la face « saine » de Wonderland ressemble bien à une forêt enchantée ou à un château de cartes géantes, les représentations que se fait Alice du domaine mécanique du Chapelier ou du théâtre sous-marin du Charpentier sont directement tirées de ce que le personnage a pu voir ou lire dans « le Monde réel ». Alice somnambule dans le quartier Chinois de Londres? Qu’à cela ne tienne, Wonderland prend la forme d’un jeu de Mahjong géant peuplé d’origamis. Si c’est le port, elle y verra alors des huîtres parlantes dans un monde sous-marin aux relents de poisson pourri, et ainsi de suite. Ces environnement variés sont le prétexte à un level-design tordu plein de plate-formes mouvantes, de tremplins et de puits sans fond: l’essence du jeu est bien de sauter partout, de glisser dans le vide et d’actionner des interrupteurs pour avancer. A l’ancienne, comme dans Mario 64.
Wait, mais c’est pourri alors? Ben non. La force de ce jeu, c’est son design, et je parle bien du côté artistique de la chose. On a l’impression de se promener dans un concept art qui surprend sans cesse. Les niveaux sont blindés de petits détails amusants ou dérangeants, de jeux sur les échelles, et leur forme même respire la folie. « Euh, je dois vraiment passer par le cul du poupon géant? C’est bien une scie à métaux que cet oiseau a d’enfoncée dans le crâne? Merde, le mur du fond me regarde… Ah, j’ai retrouvé les lèvres de l’étoile de mer! »… ne sont que quelques-unes des remarques qui me sont venues en cours de jeu. J’étais sobre pourtant, promis madame! C’est dans l’essence du Pays des Merveilles de surprendre, je le conçois bien. Mais bon, une fois qu’on a vu le château de la reine de cœur dans trois films, deux comics et un dessin-animé et qu’à chaque fois on a l’impression de voir le même, la vision pervertie que nous en donnent les artistes de Spicy Horse a quelque chose de rafraîchissant. Entre rire et dégoût, c’est un voyage qui vaut le coup rien que pour l’ambiance, dirais-je si je voulais écrire quelque chose de pompeux.

Entre deux hallucinations, Alice se retrouve dans la Londres crasseuse du 19eme. Chacun de ces retours dans le monde « réel » est un petit choc visuel. L’univers dépeint est tellement sombre et désespérant qu’on se surprend à être nostalgique du pays des Merveilles, aussi corrompu et dangereux soit-il. Les personnages du peuple sont de grotesque caricatures sur le visage desquels la misère se lit en grosse lettres. Chose surprenante, il arrive de croiser parmi ces mutants quelques aristocrates ou nobliaux propres sur eux qui, physiquement, sont les seuls à paraître normaux. Est-ce l’univers qui est ainsi, ou la vision d’Alice qui s’étend au “monde réel”? Bref… ces trop courtes escapades font d’excellentes coupures à la folie non-stop qui règne au pays des Merveilles et sont très appréciables, même si finalement on ne fait que s’y promener pour démêler quelques fils de l’intrigue. Mais me promener, moi, j’adore ça.

Parcourir des décors rivalisant de beauté et de dégueulasse étrangeté, que ce soit pour y sautiller de domino volant en champignon de tissu ou pour y charcuter des hordes de méchants pas beaux, que voulez-vous, j’aime ça. Oserai-je l’avouer? En bon touriste, cet univers m’a séduit. Les différents domaines possèdent chacun un éclairage travaillé et une ambiance unique qui les différencie sans réel souci de vision globale de l’univers ou de cohérence: chaque changement de monde vient avec sa charrette de surprises et son dépaysement et ça, c’est une véritable force. Du coup, j’ai eu une envie constante d’avancer, de pousser un peu plus loin.

C'est un peu sale dans c' château.

Est-ce qu'on a peint les murs avec des foies éclatés ou est-ce que je me promène entre deux hémorroïdes géantes?

Ah oui, les hordes de méchants. Bien entendu, Wonderland n’est pas un désert et on y retrouve les anciens locataires ainsi que de nouveaux squatteurs. Alliés ou ennemis, tout le monde est complètement taré ici de toutes façons. Le Chapelier Fou, la Reine de Coeur, la Chenille, pour ne citer qu’eux, sont bien là et ont été victimes de quelques… changements. D’autres personnages viennent enrichir le bestiaire de Carroll. Ce qui pose le problème des dialogues… on sent bien un effort louable, bien qu’inégal, des doubleurs Français pour retranscrire des dialogues intraduisibles (si vous avez lu Lewis Carroll dans sa version originale, vous savez de quoi je veux parler: les jeux de mots, calembours et devinette sont intraduisibles) mais ce n’est vraiment pas convaincant. Du coup, les dialogues perdent beaucoup, beaucoup de saveur. Quant aux répliques du genre « vous êtes libres, mes amis! » c’est assez scandaleux. Seul le chat du Cheshire s’en sort plutôt bien, que ce soit dans l’incohérence du propos ou dans la conviction du doublage.
Heureusement, il y a assez de violence gratuite dans ce jeu pour compenser l’insipidité des PNJs. Les occasions de dégainer le glaive Vorpalin sont légion, maintenant que la psyché d’Alice est infestée de bestioles en tous genres. Pour autant, les combats sont loin d’être bourrins et il faudra dégainer la bonne arme au bon moment pour profiter des ouvertures laissées par des adversaires bien protégés. Lame pour charcuter rapidement, cheval-bâton pour distribuer des mandales lourdes, moulin à poivre pour mitrailler à distance, ombrelle et bombes: Alice est nerveuse, Alice est pas contente et Alice a un arsenal bizarre et stylé pour vous faire manger vos dents. Dents que l’on pourra d’ailleurs collecter et donner à une petite fée pour qu’elle améliore l’arsenal.
Alice est agile aussi: téléportation (avec des papillons, youhou!) et quadruple saut (ouais, le double saut c’est so mort) rendent les combats nerveux. Petit bonus, le populaire mode « hystérie » qui se déclenche lorsque Lidell est à bout de forces, est une bonne occasion de spammer la touche de frappe, bien que cela ne se révèle que rarement efficace dans des combats où la synchronisation est plus importante que la puissance brute. En tout cas ça défoule.

Mais tout n’est pas vraiment parfait au Pays de la Folie, ce qui explique la note moyenne que j’ai, à regret, infligée à ce jeu. En effet, les enchaînements de plate-formes parfois interminables pêchent par leur côté répétitif voire carrément chiants. Combien de FFFFUUUUUUUU ne m’ont-ils pas été arrachés dans certains niveaux … pas parce qu’ils étaient trop difficiles, mais parce que j’avais l’impression de toujours répéter les mêmes parcours, avec une skin différente. Et l’architecture improbable des niveaux ne faisait rien pour arranger les choses.

Peut être pour pallier à cette répétitivité, ont été insérées certaines phases de gameplay qui exploitent le décor pour introduire une façon différente de jouer, sous forme d’un shooter en sidescroll, d’un jeu de synchronisation à la Guitar Hero, d’un puzzle ou d’un passage en 2D. Si certaines sont de franches réussites selon moi, d’autres m’ont fait me demander ce que les développeurs avaient consommé au moment de placer les caméras notamment… mais ces “minijeux” ont le mérite d’enrichir l’expérience et de varier le gameplay. Sans compter que certains sont assez bien mis en scène pour arracher un petit “what ze feuque?” de circonstance.

Grûh, je suis si méchante!

Les cinématiques en carton déchirent.

Pour revenir aux points négatifs du jeu, je pourrais citer l’inégalité de la qualité des décors, parfois flagrante lorsque les textures sont mal juxtaposées; ainsi que quelques bugs impardonnables du genre « les bras d’Alice passent au travers de sa jupe » ou encore « un dénivelé de 10 pixels m’empêche d’avancer ». Rien de dramatique, mais bien dommage dans un jeu qui table beaucoup sur son environnement et le soin apporté à des détails comme l’animation de la chevelure ou les mouvements de la jupe dont Alice se sert pour ralentir ses chutes. Et puisqu’on en est à parler de jupe et de détails… non, regarder sous la jupe d’Alice ne vous apportera rien, vous croyez que je vous ai pas vus venir?… je voulais évoquer le fait que la garde-robe de notre folle préférée évolue pour s’adapter aux domaines visités, assez intelligemment pour que chaque changement d’environnement s’accompagne d’un changement total de l’univers visuel. Et, puisqu’il ne sort plus de jeux sans DLC, un pack de robes supplémentaires qui s’accompagnent d’effets spéciaux est proposé au téléchargement. Joli, cheaté mais DLC quand même si vous voulez mon avis!

On finira sur la bande-son, qui n’aura droit qu’à un petit paragraphe de fin d’article et pour cause: elle est quasiment inexistante. Plus de l’ordre d’un fond d’ambiance discret et répétitif, elle n’a pas de grand intérêt et peine à participer à l’atmosphère unique du jeu. Le thème principal est sympa, mais oubliable une fois qu’on l’a entendu une dizaine de fois.

Oh, mais qu'est-ce donc?

On est d'accord, c'est un companion Cube? On est d'accord.

Enfin… regrets, regrets, que de regrets une fois venu à bout du combat d’Alice contre sa propre psyché! Bien qu’ayant eu énormément de plaisir à parcourir ce Pays des Merveilles ravagé par la folie et la violence, je ne peux m’empêcher de penser à la tuerie que ce jeu aurait pu être si un peu plus d’attention avait été prêtée à l’histoire, trop brouillonne et trop peu exploitée, n’intervenant qu’ici et là pour lier deux longs passages de plate-forme, et à sa conclusion par trop décevante. Beaucoup de passages forts qui auraient également pu être plus travaillés ne restent qu’à l’état embryonnaire de salles à traverser et c’est bien dommage! Néanmoins, l’univers est là, dans toute sa sombre splendeur et comme on dit, « c’est pas tant d’arriver quelque part qui compte, que de s’éclater pendant le voyage » ou quelque chose dans ce goût là. Niveau voyage, Alice: Retour au Pays de la Folie m’aura vendu du rêve.

 

On aime :

  • Voyager dans des concept art tordus
  • L’univers perverti bien sale
  • Les cinématiques façon gravures

 

On râle sur :

  •  Les phases de plate-forme interminables
  • Certains passages intéressants traités à l’arrache

On aime


On râle sur


Co-papa du blog, gribouilleur de profession et amateur de fromage, le Doude est un gamer au grand cœur qui a élevé le tourisme vidéoludique au rang d'Art. Troquant ses T-shirts d'obscurs groupes de Metal pour une chemise à fleurs, il parle à tous les PNJs, fait des screenshots des paysages juste parce que c'est beau et peut passer des heures à choisir quel pantalon mettre à son personnage pour qu'il soit assorti à son armure du Chaos +7.