La série Wolfenstein a toujours été résolument crade, avec ses chateaux teutons aux murs décorés de portraits du furher et ses charmants amis, ses savants fous obsédés par la création d’un homme parfait et ses effusions de sang décomplexées. Mais la série était sauvée du sordide par un humour omniprésent et une esthétique très nanardesque: on avait un héros américain qui gagne la guerre à lui tout seul grace à son courage et sa droiture inébranlable, des zombies qui bavent, des armes rétro-futuristes qui crépitent d’éclairs bleus et des fantomes à l’accent slave, bref un joyeux bordel au ton finalement très léger, dans lequel on s’enjaillait à dégommer du nazi le sourire aux lèvres.
Eh ben, the New Order est bien déprimant en comparaison de ses prédécesseurs. On a toujours la plupart des éléments susnommés, et si la mise en scène façon film d’action dynamise le jeu, empathise les personnages et facilite les transitions entre deux missions, le parti pris ‘serious business, l’heure est grave et des gens meurent‘ plombe sérieusement l’ambiance.
Le seum
Et pour commencer, le héros vieillissant ressemble à Bruce Willis en triste. Éternel survivant en marcel, il voit le monde s’effondrer et les gentils tomber les uns après les autres ce qui a tendance à plomber son moral et à le faire se perdre en monologues tristounets. On n’a plus trop le cœur à rigoler maintenant que la guerre est perdue et que les nazis, grâce à leur super technologie de l’espace, ont imposé leur culture déviante au reste du monde. Cet ordre nouveau cauchemardesque ne laisse que peu de place à l’humour, et les rares saillies du jeu sont plus mélancoliques qu’autre chose – quand elles ne sont pas carrément de mauvais goût. Et c’est là tout le paradoxe: d’un côté, aucun cliché ne nous sera épargné (en fin si, un seul: les zombies-nazis, et c’est tant mieux, car si la licence pourrait se targuer d’avoir inventé le concept, les zombies on commence à en avoir ras les chakras. Tous les autres clichés soap sont présents, par contre.), on nage en plein délire rétro-futuriste avec ses technologies what-the-fuckesque et ses robots géants. Les missions se résumeront souvent à un simple « hé, va tuer des nazis jusqu’à ce qu’y en ait plus lol », nazis tout à fait conformes à leurs homologues de cinéma d’ailleurs, et on rira d’un plot qui part en sucette avec autant de souci de cohérence que, disons, celui de Pacific Rim: l’histoire n’est après tout qu’un vague prétexte pour enchaîner des scènes qui surenchérissent dans le spectaculaire et caler un robot géant ou une grosse explosion ici et là. Et en même temps, on a ce héros triste, ces personnages attachants qui meurent, ces cutscenes poignantes et cette bande-son qui ne dépareillerait pas dans l’intro d’un album de Johnny Cash (comprenez: triste). D’où paradoxe, alors que bon sang, si on est dans ce jeu, c’est avant tout pour s’éclater et décapiter du fasciste dans la bonne humeur et les jolis graphismes ! C’est donc le cul entre deux chaises, entre l’envie de rire et celle de grimacer, qu’on s’est lancés dans la bataille.
Voici Bertha, la plus grosse texture du monde
Cette petite ambiguïté de fond mise à part, on ne pourra trop s’esbaudir devant le travail accompli par l’équipe artistique pour transposer une esthétique et des architectures IIIe-reichesques aux années 60 pour créer une ambiance inattendue et dérangeante. On a de bien beaux graphismes pour enrober le tout, avec des méga-textures qui remplissent à elles toutes seules plus de 30 Go d’espace disque. L’utilité de la chose se ressent surtout dans les espaces ouverts, où l’on aura le plaisir de contempler toute la map s’étendre devant nos yeux sans cet effet de répétition de textures dégueulasse propre aux grands espaces dans les jeux. Situation d’ailleurs un peu trop rare, puisque l’essentiel des missions prendront place dans des complexes souterrains / espaces mi-clos à l’exception des quelques chapitres qui donnent dans le grand spectacle à grand renforts d’explosions et de ponts qui s’effondrent ! On alterne ainsi des niveaux qui rappellent le meilleur (comme le pire) des bons vieux FPS linéaires des années 2000, et d’autres un peu plus fourre-tout qui permettent d’exploiter quelques subtilités de gameplay comme de l’infiltration / assassinat ou de l’exploration / recherche d’items, quand on ne plonge pas carrément dans la narration au cours de longues séquences cinématiques intégrées au jeu. Le gameplay reste d’ailleurs très ‘traditionnel’ avec un système de couverture qui se résume à s’accroupir derrière des trucs et se pencher à droite ou à gauche et des phases d’action résolument bourrines. Répandre carnage et désolation dans les rangs ennemis un fusil d’assaut à chaque main et cinq casques sur la tête, car oui on peut accumuler les points d’armure en empilant les casque et les gilets pare-balles, ça fait quand même énormément plaisir. Du plaisir stupide et décomplexé comme on l’aime !
The New Order en quelques mots, c’est un FPS décousu, fourre-tout et orgasmique de clichés et de stupidité. On retiendra surtout la mise en scène digne d’une adaptation de comics hollywoodienne, c’est à dire pleine de sueur et de larmes, d’effets spéciaux très chers, une empathie débordante envers des personnages qui portent le tout, et un plot qui semble tenir debout dans le feu de l’action mais dont on s’aperçoit qu’il est parfaitement stupide dès qu’on prend cinq minutes pour y repenser. Ça et le bonheur de griller des méchants nazis avec un fusil laser dans les années 60 d’une timeline rétro-futuriste alternative, bien sûr.
On aime
- L'
- univers et l'
- histoire, sacrément fouillés pour un FPS
- La mise en scène blockbuster
- BRATTATTATTATTA
On râle sur
- Entre le sérieux et le soap, on ne sait pas sur quel pied danser
- Quelques niveaux couloir de mauvais ton