La plupart des gens de ma génération ont dû connaître, enfants, cette succession de modes de jouets débiles : les Pogs, les G.L.LO.Q et autres Crados qui furent en leur temps la source d’une manne financière non négligeable pour leurs éditeurs, et de désarroi pour les parents. Les Madballs sont des machins du même acabit, et ce jeu en est un portage. Ça promet.
Les Madballs ne sont pas vraiment connus en France, aussi j’ai dû me fendre de quelques recherches. Il s’agit à la base d’une tête en caoutchouc, moche, sur laquelle il faut appuyer pour faire sortir ses yeux de ses orbites, la morve de son nez ou le cerveau de ses oreilles. Amusant, fin, débile donc génial. Mais quel genre de jeu tirer d’un tel… machin ?
Ben, un TPS bien sûr ! Et un surprenant, avec ça. On dirige un personnage sphérique sur une map, et faut dégommer des trucs à l’aide d’un éventail d’armes sorties tout droit d’un vieux Unreal Tournament. La subtilité, c’est que votre personnage n’a ni bras, ni jambes et se déplace donc en roulant sur lui-même. Soumis aux dures lois de la gravité, il ne pourra pas sauter, souffrira du recul de ses armes et de l’inclinaison du sol, le tout étant fonction de son poids qui lui même varie d’un personnage à l’autre ! Un concept bien trouvé et mis en application intelligemment dans une campagne solo qui exploitera à fond cet état de euh, balle. L’histoire en elle même n’a pas beaucoup d’intérêt et se résume à la lutte de deux factions sur la planète Babo, d’où ce titre peu vendeur, dans la peau de l’une des 10 balles disponibles (5 dans un premier temps, les autres étant déblocables en finissant la campagne). Le joueur roule sa bosse (ha-ha, humour fin et calembredaines) de mission en mission, qui alternent puzzles, énigmes, flippers, passages imbitables en équilibre au dessus de la lave en fusion et, bien entendu, carnages nerveux à souhait entre baballes équipées d’armes vicieuses, qui sont après tout au cœur du jeu. C’est rapide, simple une fois qu’on s’est fait au système de visée assez lunaire, et tout à fait jouissif d’exploser ces trucs dégueulasses en petits « splortch » sonores et tachants.
Madballs est d’ailleurs plutôt étoffé niveau contenu puisqu’outre le poids des différents personnages, ils ont aussi des stats de vitesse et endurance différentes et quelques skins bonus, mais surtout une paire de capacités spéciales du genre accélération, lifesteal, saut (ça paraît con mais quand on ne peut pas sauter de base, c’est super utile) ou flashbang. Sans changer radicalement la façon de jouer, ça varie agréablement la progression et rajoute indiscutablement une dimension tactique au multijoueur. On a aussi droit à dix armes différentes, cinq par faction, chacune utilisable uniquement par un membre de sa faction en mode campagne, et chacune possédant deux modes de tir. Qui n’ont souvent radicalement rien à voir l’un avec l’autre mais c’est funky : qui pourrait croire que le tir secondaire d’un canon laser est une pluie de roquettes? Bref. On a tout l’arsenal classique, shotgun, lance-roquette, lance scies circulaires (Razorjack mon amour, ballistic-blades-launcher vicieux de mon coeur… oups, mauvais jeu) et autres miniguns à rayon. Dommage que le mode campagne ne nous laisse pas le loisir de les utiliser autant qu’on le voudrait : il faut passer un bon nombre de missions avant de pouvoir débloquer toutes les armes et leurs modes secondaires, puis refaire les maps avec des personnages d’une autre faction pour débloquer les cinq autres. Relou, bien que ça nous oblige à choisir soigneusement notre équipement en fonction de la situation. Petit ajout « stratégique » sympa, il existe quatre types de dégâts (solide, rayon, chaleur et froid) auxquels les ennemis sont vulnérables ou résistants, ce qui oblige à jongler entre armes et modes assez souvent.
Pour finir sur cette fameuse campagne, petite mention pour l’écriture pas toujours adroitement traduite mais ô combien cocasse. Ça ne se prend pas au sérieux une seule seconde, et tous les dialogues et briefings de mission ne sont que des mètres de calembredaines mis bout à bout, faisant usage intensif d’un humour régressif et bon enfant du meilleur goût. Adapté à un public jeune diront certains; n’empêche que je me suis bien marré aussi. Sans atteindre le niveau de connerie d’un Deathspank, c’est bien stupide.
Là où Madballs doit être bien funky par contre, c’est en multijoueur ! Je dis « doit » car hélas, la rareté des serveurs – pour ne pas dire leur inexistence – ne m’a pas laissé le loisir de disputer plus d’une paire de parties, trop peu pour fournir une analyse bien complète, hélas. Mais sans tortiller du cul, c’est comme un bon vieux Unreal Tournament, avec une vue différente, pas de walljump et des mécanismes du genre rampes de lancement, accélérateurs et autres trucs sortis d’un skatepark exploitables uniquement si vous êtes une sphère. Complètement différent donc, mais la comparaison n’est là que pour vous donner une idée du bordel potentiel d’une partie de Madballs. Y’a plein de modes de jeu, ce qui est cool aussi. Deathmatch, Capture du Drapeau, Team matches mais aussi Assaut et Survie face à des vagues de creeps, om nom nom. Les serveurs sont malheureusement déserts depuis le temps, donc ne comptez pas trop sur l’option multijoueurs à moins d’avoir sous la main des amis possédant le jeu, puisqu’on peut héberger des parties à l’ancienne.
Le mode solo à lui seul offre assez de maps et de rejouabilité pour tenir un bon moment si on s’attarde sur le scoring. En effet, le jeu encourage à la course aux points en nous gratifiant de multiplicateurs et autres bonus au score lorsqu’on est assez doué pour enchaîner les frags sans mourir, et on peut partager nos scores de campagne avec d’autres joueurs pour comparaison et défis divers. Intéressant si vous visez le haut de la leaderboard, anecdotique si vous ne comptez traverser les paysages de Babo qu’une seule fois. Un mot sur les graphismes, puisqu’on en est aux paysages: Madballs est largement dépassé. Il l’était déjà à sa sortie, et malgré sa vue isométrique rapprochée peine à être plus fin que, disons, League of Legends. Ce qui n’est pas forcément grave au vu du parti pris « cartoon simpliste » du titre, mais qui parfois pique un peu les yeux. Le character design douteux, lui, est hérité de la franchise Madballs qui n’est pas franchement une référence en terme de bon goût. Pas vraiment moche, mais pas particulièrement joli non plus, ce n’est de toute façon pas pour ses visuels que l’on joue à un tel jeu !
Bonne surprise que cette… chose, que j’ai longuement regardée avec un oeil dubitatif lorsqu’elle a atterri dans ma gamothèque, pour finalement se révéler être un bon petit jeu, agréable, complet et plein d’idées sympas. Orienté jeune public, conçu pour du marketing, Babo Invasion a pourtant le bon goût de ne pas prendre les joueurs pour des cons !
On aime:
- Jouer une boule qui fait pouic
- La physique, à la fois contrainte et avantage exploitable
- La variété d’armes et de personnages
- Les contraintes de la vie de boule, bien exploitées !
On râle sur:
- Les graphismes, colorés mais pas très excitants
- Les cinématiques longues et pas terribles