par Doude le 10 mai 2012
 

Confrontation

Jeu de figurines mais dans ton PC

Confrontation, qu’est-ce que ça évoque pour vous ? En bon amateur de jeux de figurines, je connaissais déjà la licence et ses miniatures superbes, figées dans des poses d’un dynamisme saisissant et détaillées jusqu’à l’indécence. C’est aussi un univers aux couleurs bigarrées, fait de créatures de folie émergeant d’un savant clair obscur, d’orcs et de trolls grotesques et d’humains dont les traits caricaturaux, servis par le pinceau du Maître illustrateur Paul Bonner, semblaient saisis par l’improbabilité du monde dont ils faisaient, malgré eux sans doute, partie. Mais trève de poésie à deux sous de rôliste de comptoir, nous sommes là pour parler du jeu vidéo, sorti sur PC un peu plus tôt, supposé donner une nouvelle dimension à cet univers. Comme d’habitude, j’ai bien pris le temps de jouer, de décortiquer, de me promener comme un touriste en prenant des screenshots de tout et n’importe quoi et cette fois ça y est, j’ai enfin un avis arrêté. Parce que vous verrez qu’entre plaisir et dégoût, ça n’a pas été facile.

Date de sortie: 5 avril 2012
Genre: RTS au presque tour par tour (si, si)
Plate-forme: PC

Éditeur: Focus Home Interactive
Développeur: Cyanide

 

Très, très mauvaise première impression je ne vous le cacherai pas. Mes premières heures de jeu se sont révélées être teintées d’une douloureuse déception. Les graphismes, première chose qui saute aux yeux quand même, se baladent dans le spectre situé entre le moche et le « comme en 2004 ». Peu me chaut qu’il ne s’agisse pas d’une démo technique, qu’il n’y ait pas de budget ou que l’intérêt du jeu soit ailleurs, on se retrouve avec des personnages dotés d’un design original, surprenant, parfois exotique même (et l’Enfer sait que pour surprendre un vieillard blasé tel que moi, il en faut) complètement plombé par des textures qui deviennent dégueulasses dès que l’on zoome un peu et des modèles qui font penser à ceux d’Unreal Tournament (celui de 1999) en terme de joliesse. Les textures répétées à l’infini dans les cavernes ou étirées en mode moche sur les falaises n’arrangent pas cette impression de « pas fini » qui me hante. Mais passons outre et jouons un peu.

Super-high VS medium

J’vais être chiant mais… en mouvement, cet espèce de blur est tout caca. Du coup, je joue en qualité medium pour profiter un peu mieux du look des persos !

La trame de Confrontation nous emmène en Aarklash, un monde où les dieux s’affrontent par l’intermédiaire des peuples mortels. Parmi ceux-ci, le peuple du Griffon, des fanatiques obtus amateurs de bûchers et de grand-messes à la gloire de leur dieu Merin (je schématise, hein) ne peut pas blairer son voisin, le peuple du Scorpion aka les Syhars et lui fait la guerre. Tout autour, des mort-vivants, des Elfes, des Nains se foutent aussi sur la tronche mais on ne les verra pas. C’est le Rag’narok, la grosse guerre, la Fin des Temps, tout ça, bref l’affrontement décisif qui implique tous les peuples et se caractérisera par de grosses explosions. Nous, joueurs, sommes à la tête d’une petite escouade de gens du Griffon, pour mener à bien une mission spéciale en territoire Syhar. Un tantinet frustrant: on ne jouera que cette armée durant toute la campagne ! Je ne vous cache pas que j’aurais préféré, de loin, les iconoclastes Scorpions et leur techno-magie tordue à base de seringues, de latex et de masques à gaz aux paladins endoctrinés du Griffon mais tant pis. On croisera également en cours de route les Orcs à bras le corps – pardon, les Orcs du Bran ô Kor au design génial et des Furry en forme de loup du peuple des Wolfen.

Mes petits soldats de plomb à moi

On dirige quatre personnages à la fois, chacun ayant un pool de compétences très spécialisées, dans des enchaînements de combats qui nous mèneront d’un bout à l’autre d’une map avant de passer à la suivante. Un système de combat bien particulier en vérité: Confrontation a tout d’un RTS mais la complexité des compétences à l’œuvre interdit toute erreur de manipulation. En un clin d’œil, vos unités peuvent toutes se retrouver immobilisées, brûlées, vidées de leur mana, mindfuckées et contrôlées à distance, tout ça en même temps. Puis dans le coma, puis mortes bien sûr, ce qui se soldera par un Game Over en règle. La pause active, dont on abusera au moins le temps d’apprendre par cœur les skills de nos héros, permet de prendre du recul, prévoir un enchaînement et enfin réagir aux menaces en cours.

Un système de couleurs plutôt malin permet de comprendre en un coup d’œil ce qui se passe sur le champ de bataille: un personnage manipulant des énergies rouges s’apprête à utiliser un sort de dégâts; si c’est vert c’est du heal, noir du contrôle (paralysie, contrôle mental et autres conneries vicieuses), bleu de la contre-magie et jaune du buff. Pour gagner à Confrontation, il faut rester attentif, analyser, comprendre et réagir parce que se contenter de taper, ça marche pas. C’est de la micro-micro gestion à l’échelle individuelle. Choisir ses petits soldats en fonction de ce qu’on a dans le camp d’en face et des combos abusay que l’on peut en tirer est à la fois le mécanisme clé à assimiler et le principal intérêt du jeu. Un peu comme quand vous préparez votre feuille d’armée avant d’aller affronter votre adversaire préféré au club de wargame, en somme. Les amateurs comprendront ce qu’il y a de jouissif à un tel exercice !

Revers de la médaille, il faut apprendre les combos, comprendre toutes les skills souvent complexes à placer (du genre healer si et seulement si la cible a un effet de debuff ou annuler un buff pour transférer un état de régénération actif pendant la pleine lune) et retenir les capacités des unités adverses pour s’éclater pleinement. Une courbe d’apprentissage qui paraîtra bien longue à ceux qui manquent de patience. Je soulignerai un truc parfaitement débile dans ce jeu, l’impossibilité de consulter le Codex, où sont répertoriées toutes les unités rencontrées et leurs capacités et sorts, sans sortir de la partie en cours. Bordel ! Il faut que je révise mon Confrontation avant d’entrer dans ma partie comme on révise ses cours la veille d’un examen ou quoi ? C’est irritant, pas vraiment user-friendly et surtout, ça n’a aucun sens…

 

Toutes ces petites merdes qui plombent le plaisir…

… et qui mises bout à bout, font un gros caca. Tel quel, Confrontation serait une petite merveille de jeu pleine de bonnes idées. Seulement voilà, on a parfois l’impression qu’il est sorti avant d’avoir été terminé.

Notez bien le ptit gusse qui court dans le vide en haut de la mêlée... pathfinding ?

Les affrontements tournent souvent à la bouillie de pixels.

Le pathfinding, ce bout de programme qui fait aller vos personnages du point A au point B sans se cogner au décor, déjà, frôle le ridicule. Non seulement vos personnages se heurtent au décor et courent dans les murs, mais en plus ils se gênent pendant les déplacements, s’arrêtent à deux pas du personnage qu’ils sont sensés aller taper, et courent en cercle les uns autour des autres comme des cailles décapitées dans le cul desquelles on aurait inséré un allume-cigare brûlant. Dans un jeu où les actions se résolvent rapidement et où il faut faire preuve de réactivité, voir votre assassin rater son interrupt sur l’incantation du mage adverse parce qu’il n’a pas su faire un détour pour passer à côté de son copain tank, c’est pas marrant. Je propose de le renommer en pathlosing lorsque l’on parlera de ce jeu à l’avenir.

L’absence d’une vraie fiche récapitulative des unités est aussi à déplorer. En effet chaque personnage a deux sets d’armes à sa disposition pour plus de polyvalence: la chasseuse de sorcières par exemple peut opter pour un pistolet et un grimoire, celui-ci boostant ses sorts, pour mitrailler à distance et lancer des boules de feu; et une grosse épée à deux mains pour gérer les situations de contact. C’est une super idée, qui permet de ne pas cantonner ses personnages à un rôle unique et donne de bonnes options pour gérer les situations complexes. Seulement voilà, pour connaître la valeur d’attaque de mon épée, je n’ai qu’une petite fenêtre qui s’affiche au survol de l’icône de l’arme dans le HUD en jeu. Les caractéristiques du personnage sont dans un menu à part, tout comme les options d’amélioration des armes et armures. Plus grave encore, les effets de ces améliorations ne mettent pas à jour les infos des autres menus. Exemple, j’améliore mon pistolet pour lui ajouter 5 points de dégâts et je monte l’intelligence de ma chasseuse ce qui rendra ses boules de feu plus bourrines. Ben, si je retourne sur la fenêtre de mon pistolet, il affichera toujours les mêmes informations et pareil pour mon sort de boule de feu. On perd rapidement le compte de toutes ces améliorations, on se demande sans arrêt quels bonus s’appliquent à quel moment, les améliorations des compétences sont floues et évasives, bref c’est… wouoputaing attendez les copains: j’ai trouvé. Y’a une petite icône à côté du nom près du portrait du personnage actif… nan, dans la partie basse de l’écran, l’autre portrait quoi… ah, ben le voilà mon récapitulatif complet ! Parfait, il m’aura juste fallu 17 heures de jeu pour le trouver.

La narration enfin, point important lorsqu’on flirte avec l’univers du jeu de rôle, est quasiment absente. Confrontation mise tout sur la campagne solo mais ne donne aucune personnalité aux protagonistes, qui ne parlent jamais en dehors des éternelles catchphrases – « Oui chef », « en avant les copains », « allons leur péter la gueule au nom de tout ce qui est saint » et autres platitudes – dont l’histoire est racontée par une voix off faisant preuve d’un enthousiasme assez modéré. Empathie zéro. Les petites cutscenes d’un autre âge n’arrangent pas vraiment cette sensation de vide à l’endroit des personnages dont on a bien rapidement envie d’abandonner la cause.

Dommage aussi que le multijoueur n’ait pas été développé plus en profondeur. Il prend la forme d’un affrontement en plusieurs rounds de deux équipes de quatre personnages – un peu comme un combat de Pokémons, si on m’excuse la comparaison – jusqu’à extermination de l’un des deux camps. Là aussi, il faudra bien connaître tout le bestiaire pour briller et ne pas se faire rouler dessus. Très complètes, les factions multijoueurs mettent en scène presque toutes les unités des livres d’armée du jeu de figurine avec un panel de compétences simplifiées par rapport à la campagne solo, ce qui fait beaucoup de combinaisons possibles ! Manque plus que d’autres modes de jeu qu’une simple arène (et plus de joueurs, aussi) pour que ça soit vraiment cool.

Une campagne qui dure, qui dure…

Il faut du temps, il faut de la patience avant que la campagne ne décolle vraiment – jusqu’à ce qu’on puisse composer nos escouades, en fait – et nous permette de profiter pleinement des combats sans nous demander sans cesse qu’est-ce qui se passe à l’écran. L’équilibrage et la synergie des compétences révèlent des combinaisons intéressantes à qui saura les chercher pendant la trentaine d’heures qu’il faudra pour venir à bout de la campagne, pour peu qu’on accroche assez longtemps. Au final, Confrontation est loin d’être aussi foireux qu’il ne le semble au premier contact, mais c’est très dur de faire abstraction des défauts qui le plombent littéralement. On retiendra le gameplay original et complexe – usons et abusons de la pause active ! – et on oubliera quasiment tout le reste. Peut-être pas la bande son finalement, discrète mais sympa.

On aime:

  • Plein de skills et de combinaisons
  • Le bestiaire étoffé
  • Le challenge permanent

 On râle sur:

  • Le pathfinding
  • Les graphismes moches
  • La narration façon mort-vivant qui lit une histoire
  • L’interface, tout sauf user-friendly
  • On veut plus de factions !

On aime


On râle sur


Co-papa du blog, gribouilleur de profession et amateur de fromage, le Doude est un gamer au grand cœur qui a élevé le tourisme vidéoludique au rang d'Art. Troquant ses T-shirts d'obscurs groupes de Metal pour une chemise à fleurs, il parle à tous les PNJs, fait des screenshots des paysages juste parce que c'est beau et peut passer des heures à choisir quel pantalon mettre à son personnage pour qu'il soit assorti à son armure du Chaos +7.