Alan Wake a échangé sa veste en tweed contre une chemise de bûcheron avec des carreaux dessus et une boucle de ceinture à tête de taureau. Cet homme est officiellement au delà de toute rédemption vestimentaire.
Suite directe des événements survenus dans Alan Wake, American Nightmare n’a rien à voir avec le film du même nom et se présente comme un spin-off de cette série d’un seul épisode découpé en plusieurs. Vous suivez ? moi non plus, alors poursuivons.
Résumons pour ceux qui ne connaissent pas l’opus original: Alan Wake est un écrivain à succès bourré de complexes qui décide de prendre quelques jours de vacances avec sa femme Alice dans un coin paumé de l’Amérique profonde, Bright Falls, coin essentiellement réputé pour sa fête annuelle du Cerf et que l’on suppose situé quelque part dans l’état du Maine. Alice disparaîtra rapidement, piégée dans un monde d’obscurité caché sous un lac, vraisemblablement maléfique et doué de conscience, l’Ombre Noire, et ce brave Alan se retrouvera aux prises avec des forces ténébreuses tout à fait surnaturelles dans l’espoir de tirer sa femme de ce merdier. On nage en plein mono-mythe bourré de références à Stephen King, Edgar Alan Poe, Lovecraft pour ne citer que les plus évidents, mais aussi à la série télé la Quatrième dimension, l’Evil Dead de Sam Raimi et ce film de Carpenter, l’Antre de la Folie, ainsi qu’un paquet d’autres inscrits dans le folklore États-uniens. Tous ces péquenauds possédés, ces nuées de corbeaux, ces poltergeists et cette ambiance champêtre-dark sont un gros condensé de tout ce que l’on pouvait trouver en terme d’épouvante kitsch des années 70 à nos jours, c’est dire le niveau. Avec un héros anti-charismatique, pas vraiment taillé pour le combat ni pour les acrobaties, et une histoire bien plus palpitante que ce que mes quelques lignes de bafouille arrivent à en résumer, on tenait là un excellent jeu à la croisée du roman interactif, du third-person shooter et du mauvais feuilleton sauce SyFy.
American Nightmare se nourrit de toute cette mythologie, la reprend à peu près à l’identique jusque dans le gameplay, ajoute une couche de muscle et une orientation un peu plus ‘arcade’, balance le tout en Arizona et c’est à peu près tout. Alan est prisonnier d’un épisode de la Zone X, cette mauvaise série télé dont on retrouvait les épisodes aux quatre coins d’Alan Wake, et poursuit son double maléfique, Monsieur Grincement, avec la ferme intention de le détruire avant qu’il ne cause trop de ravages dans le monde réel. Fort de ses expériences précédentes face à l’Ombre, Alan court un poil plus vite, plus longtemps, esquive mieux et a accès à des armes un peu moins ridicules que dans le premier opus. Pour autant, la difficulté n’est pas revue à la baisse et les possédés, plus malins, toujours aussi vicieux et adeptes de l’attaque à douze-contre-un-dont-huit-dans-le-dos sont toujours aussi stressants à affronter. Les environnements sont un peu plus ouverts, ce qui laisse de la place à un peu d’exploration et de chasse aux armes et pages de manuscrit entre deux gunfights dans le mode « Histoire ». Assez court, il bénéficie néanmoins d’une écriture de qualité et d’un tas de petits moments « nanar » comme on les aime, avec une petite cinématique en live action entre chaque épisode qui vient remplacer les transitions façon « dans l’épisode précédent… » d’Alan Wake, qui étaient géniales et qui seraient ici tout à fait adaptées dans cette histoire de série télé, mais bon. Au passage, ce n’est plus M. Wake qui raconte son histoire comme s’il l’écrivait lui-même, mais la voix off de la série en question, de façon très cliché et pompeuse, appelant notre tocard grognon « le héros de la lumière » et renchérissant de petits embellissement désuets. On en profitera pour en découvrir un peu plus sur le fonctionnement de l’Ombre Noire (faut le dire avec une voix grave traînante et un accent polonais: l’Oombrrrrre Nöarrrrre) au travers des pages manuscrites d’Alan disséminées de ci-de là et les enregistrements vidéo que le génial Mr Grincement aura laissées à notre intention, mais pas trop: on est reconnaissant aux développeurs de ne pas tomber dans le travers de « la suite qui explique tout et retire, ce faisant, tout intérêt à l’histoire » (voir Dead Space 3) et, au contraire, de rendre toute cette cosmologie encore plus opaque et nébuleuse.
Le principal problème des trois ‘mini-chapitres’ du mode histoire, c’est qu’ils nous ramènent toujours dans les mêmes trois niveaux, qui s’enchaînent donc trois fois. Il y a bien sûr une raison à ça, une bonne raison liée à l’histoire, ce qui induit de gros changements à chaque passage, mais les maps restent, à quelques détails près, identiques d’un passage à l’autre.
Une fois torché le mode histoire, ce qui ne prendra pas plus longtemps qu’une nuit d’hiver, on se précipite sur le mode Arcade, qui propose de survivre toute une nuit face à des vagues incessantes de possédés façon « From Dusk Till Dawn » dans des maps allant de la ville fantôme en plein désert au cimetière de paquebots. Si ce mode représente un sacré challenge en lui-même, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il aurait quand même été bien plus funky avec une option multijoueurs. Alan qui dézingue du pseudo-zombie à la cloueuse, c’est bien. Alan qui dézingue du pseudo-zombie avec son pote Barry et son Oeil de Sauron (une torche frontale, accessoire qui serait au demeurant bien utile dans un Alan Wake) à deux ou plus dans un cannap en bouffant des pizzas, c’est quand même un brin plus intéressant, non ?
Allez, ne soyons pas mauvaise langues, bande de truculents fifrelins: une histoire prenante, deux personnages centraux sur lesquels un étudiant en psychologie pourrait écrire un nombre de thèses tendant vers l’infini, un gameplay sympathique et cependant tactique, de bons graphismes, une bande-son Rock n’ Bled Paumé, du challenge, une cloueuse*. Pour un petit jeu, c’est vraiment pas mal. Et puis merde, c’est Alan Wake quand même.
*Si nos aimables lecteurs ont vu le récent remake du film Evil Dead** ils sauront ce que l’acte de cribler un possédé de clous grâce à cet appareil peut avoir de jouissif.
**La rédaction ne s’excuse pas pour la médiocrité de cette référence culturelle***, nous sommes au delà de toute rédemption, tout comme ce brave Alan.
***Allez, ce film n’était pas si mal ! J’ai même failli rire à la fin, quand les scénaristes se sont rendus compte qu’à la base, c’était un film rigolo.
On aime
- Une bonne histoire arrosée d'
- un nappage de nanarderie
- Des maps moins "
- couloir"
- que dans Alan Wake
- Mr Grincement, ce foutu meurtrier sociopathe, a quand même un sacré charisme
- La cloueuse
On râle sur
- Pas de multijoueur pour le mode arcade, c'
- est bête
- Les maps qui se répètent