Alan était un homme d’âge mûr assez placide. En tant qu’auteur renommé d’une série de best-sellers faisant éclater une myriade de gonades d’adolescentes en fleur avec la même intensité qu’un vampire boosté à la bouse de vache et à la chlorophylle, il arrivait à un moment de sa vie que tout écrivain un tant soit peu égocentrique redoute : la fameuse page blanche. Pour remédier à ce trouble d’ego, il entreprend un pèlerinage au pays de l’Amérique profonde, où la culture concerne principalement le maïs ou la bière, et bien sûr, il emmène de quoi b… je veux dire, sa femme.
Tribulations romantiques au pays des tentacules
Nos téléspectateurs vont encore dire que ce show ramène un peu trop d’horreurs tentaculaires et de poulpes avariés, mais on n’y peut rien, on aime ça. Revenons à notre Alan Wake, en tant qu’écrivain il souffre de plusieurs troubles classiques, le plus singulier étant l’alcoolisme (on suppose) et les délires hallucinatoires. C’est comme ça que dans l’un de ses rêves, un scaphandrier volant émettant une lumière blanche lui explique que tout ce qu’il va voir est bien la réalité, que malgré l’incrédulité de ses pairs, il doit, comme dirait Ophélie Winter, garder la foi. Le monde d’Alan se retrouve modifié au-delà du possible par une entité monstrueuse représentée par une petite vieille. On ne se méfie pas assez des septuagénaires, je l’ai toujours dit. Bref, septuagénaire en deuil de kiki, son petit chat, elle envoie Alan et sa dulcinée vers un sympathique chalet au milieu d’un rien démographique, à savoir un lac (ou plus généralement, l’Amérique profonde). Petite précision qui va se révéler critique, la concubine de l’auteur a peur du noir… Je tiens à ce qu’on s’arrête un instant sur ce croustillant détail : pourquoi, pourquoi louer un chalet dans l’endroit le plus reculé de la moindre civilisation quand on a la frousse terrible dès que la lumière s’éteint ?
Hé bien pour envoyer son mari et son angoisse de la page blanche vers un psychiatre, voui monsieur. Non, en ville on ne trouve pas ces maniaques spécialistes de l’internement d’artistes, enfin pas à New-York en tous cas il semble, parce qu’à Los Angeles, ça pullule. Alors que madame s’installe dans son chalet obscur, le bon Alan fait le tour de l’île qui n’est, finalement, qu’un caillou et allume le générateur électrique, histoire que madame puisse laisser sa veilleuse, mais pendant qu’il fait ça, tout bascule, sa femme va se noyer dans le lac sans raison logique dans une gerbe de cris et d’eau ; et Alan saute à sa suite pour la sauver !
Son élan héroïque finit dans une voiture en panne sur une route de montagne. La transition est dure, Alan Wake se souvient très nettement d’une île, d’un scaphandrier, de sa santé psychique, et surtout du fait qu’il fait noir, que la forêt fait peur, et qu’il a juste une lampe torche. Les lumières en contrebas indiquent une station-service, et le chemin obscur de la forêt montre clairement deux choses :
- Le jeu commence vraiment
- Tout ça sent le soufre, très très fort
Le joueur qui aura acheté le jeu persistera tout de même, parce qu’après tout, il n’est qu’en train de jouer seul dans sa chambre avec une branche qui gratte à sa fenêtre et plongé dans le noir total. Bref il a des couilles d’auroch et ne craint pas les prédictions d’un inconnu caché dans un scaphandre bien trop lourd pour voler avec.
Les zhombres !
Conformément aux délires d’Alan, sa vie devient tragiques dans la traversée de la forêt avec une bande de zombies tous noirs qui se mettront à fondre en tous sens en apparaissant parfois logiquement parce qu’ils se cachaient dans un fourrés, parfois au milieu de nulle part histoire de bien faire chier. Et comme si cela ne suffisait pas, les bougres resteront insensibles aux balles de votre cher pistolet ramassé au hasard d’un lampadaire tant qu’ils n’auront pas été arrosés de la divine lumière de votre lampe torche (ou une autre d’ailleurs) histoire de les purger de la souillure des ténèbres. Car oui, outre l’habituel affrontement entre le bien et le mal, Alan Wake, poussera le stéréotype en faisant appel à sa toute puissante identification à la série Z jusqu’au duel entre la lumière et les ténèbres.
Qu’est-ce que je fais là déjà ?
Et pourtant, malgré toute cette diatribe sur le bien, le mal, les fleurs, et les zombies, on continue de jouer. Malgré la flopée de stéréotypes plus ou moins bien gérés, malgré cette impression de déjà vu, on continue de jouer. Malgré les transitions de chapitres façon série TV avec un petit « dans l’épisode précédent auquel vous venez de jouer il y a 30 secondes », qu’on sauterait dans n’importe qu’elle série, on continue de jouer sans le sauter. On demanderait presque une publicité bidon à mettre entre les deux, c’est dire !
Tout ça parce que malgré les illogismes, l’histoire est bien construite, le gameplay prenant, la tension omniprésente, parce qu’on a envie de savoir si la chute dans le lac de la Josiane d’Alan n’indique que son côté coconne où s’il y a vraiment quelque chose de plus gros caché derrière tout ça. Et aussi parce que, il faut le dire, le jeu tout en pénombre cache très bien ses défauts et vieillesses graphiques et que l’OST est assez géniale. Parce que les références artistiques sont nombreuses. Et en avançant dans le jeu, on voit encore plus de stéréotypes, mais on aime, on passe même par des moments clairement bourrins comme une scène de bataille épique sur une scène de concert Metal juchée au milieu des champs de blé. Et tout ça pour quoi ? Oui, pour sauver Josiane et prouver à tous qu’un écrivain peut-être bad-ass et ne consiste pas uniquement en une série de bouteille vide et de délires issus d’une drogue quelconque. Alors les sceptiques, vous aussi vous tentez l’expérience en jouant avec une lampe frontale pour seule éclairage devant votre PC ?
On aime
- L’ambiance hitchcockienne
- Le jeu sur les stéréotypes
- Le côté mauvaise série Z
- La bande son
- Le gameplay
On râle sur
- L’absence de vraie coupure pub entre deux épisodes, c’eut été drôle
- Le fait que personne ne pense jamais à la lampe frontale
PS : Vous me connaissez, j’en fais toujours des tonnes… à vous les trolls !