par Doude le 5 octobre 2012

Anna

cette emmerdeuse qui te souffle dans les oreilles

Allez, encore un petit jeu « qui fait peur », c’est tellement bon ! Thriller psychologique surnaturel qui joue avec vos nerfs, Anna mise tout sur l’ambiance et l’étrangeté de son scénario pour nous faire sursauter. Sur le papier, c’est plutôt prometteur, mais sur l’écran…

Premier contact avec le jeu: il faut créer un compte sur le site de Kalypso et se logger à chaque fois que l’on veut jouer. ALO UI CER CHIANT ! Où va-t-on si même les petits éditeurs commencent à farcir leurs jeux de DRMs de [s’ensuit une longue tirade haineuse pleine de gros mots que nous avons préféré censurer, eut égard à notre lectorat sensible. Mais sérieusement, ça fait chier, arrêtez les mecs, arrêtez]. Une fois passé ce petit contretemps, nous voilà transportés dans un jardin ensoleillé, face à une scierie abandonnée. Nous sommes à la montagne, l’air est frais. Tout près, un petit cours d’eau ruisselle gentiment et offre au voyageur de plonger ses lèvres dans une eau limpide dont la fraîcheur inaltérée lavera la fatigue. Mais on n’est pas là pour ça, il faut ouvrir la porte de la scierie et pénétrer dans ses entrailles pour retrouver la trace d’Anna. Qui est Anna ? Compagne, amour secret, nymphe inaccessible, sorcière peut-être, voir tout ça à la fois ? On n’en sait rien, et c’est aussi pour démêler le pourquoi du comment que votre personnage se retrouve là.

Hé coucou !

Sympa, la déco.

Bien vite, on se rend compte qu’Anna fait dans le mysticisme. Les symboles païens, druidiques, magiques ou simplement bizarres sont omniprésents dans ce jeu du début à la fin et les énigmes qu’il va falloir résoudre à base de combinaisons d’objets et d’interactions font la part belle au surnaturel. En simple, c’est le bordel. Sous prétexte de maintenir une opacité scénaristique douteuse, on navigue du début à la fin dans une épaisse boue gluante de nonsens où la réflexion n’a pas sa place. Des objets dont on pourrait raisonnablement penser qu’ils puissent interagir ne produisent la plupart du temps qu’un « pourquoi je ferais ça ? » dans la bouche du protagoniste et la solution se trouve souvent là où il ne devrait rien y avoir. Okay, ça sonne un peu comme de la mauvaise foi quand j’écris ça, mais j’ai fini par être habitué aux énigmes tordues des jeux d’aventure, pas toujours évidentes mais qui marchent. Là, non, on a juste l’impression de bricoler et c’est frustrant de se voir refuser l’option de plonger une branche dans le foyer d’un poêle allumé pour y foutre le feu, parce qu’il faut absolument utiliser le briquet de l’inventaire. Si le propre d’une énigme est de tester l’ingéniosité ou l’inventivité de quelqu’un, celles d’Anna devront se trouver un autre nom parce que tout ce qu’elles ont testé, c’est ma patience.

L’interface est une horreur rescapée des pires HUD des années 80 couplée à un mauvais photomontage. Voilà, ça c’est dit. Pour utiliser un objet de l’inventaire, il faut l’ouvrir avec « i », cliquer dessus, sélectionner l’option « utiliser », fermer l’inventaire, pointer l’objet sur le truc avec lequel vous espérez qu’il produise un résultat, cliquer. CINQ ÉTAPES pour l’interaction la plus BASIQUE du MONDE. Le genre d’actions qu’il vous faudra accomplir mille fois dans une partie et qui prend deux clics dans n’importe quel jeu. Pas dans Anna.

Le monde merveilleux des icônes.

Ouvrir. Choisir l’objet. Choisir l’interaction. Fermer. Cliquer. Vomir. Recommencer.

Anna superpose les objets interactifs pour qu’ils soient chiants à sélectionner individuellement. Anna vous oblige à tirer les portes à la souris pour les ouvrir avec son moteur physique foireux qui rend impossible le déplacement d’une planche de bois s’il y a une autre planche dessus. Anna et ses icônes pixelisées détourées à la scie sauteuse.

Anna ne connait pas l’ergonomie.

Anna ne connaît pas non plus le maquillage, vraisemblablement. Non pas qu’elle soit franchement laide, mais disons qu’elle mériterait quelques finitions au niveau de l’habillage parce que les textures en résolution variable répétées à l’infini sur les murs et coupées à la tronçonneuse, ça ne marche pas, pas plus que les effets de blur dégueulasses ou les flammes qui clignotent. Le jeu entier est un huis clos prenant place dans un espace très réduit, on pourrait s’attendre à ce que le peu d’espace en question soit travaillé avec un peu plus de soin, même s’il s’agit d’une production modeste !

Et là, vous commencez à vous douter de quelque chose…

Une réalisation pas top, une ergonomie à rendre névrosé un ours en peluche, des énigmes approximatives, une progression floue, une ambiance qui en pâtit… mais c’est tout pourri alors ? Non, pas tout. Je persiste à voir dans ce jeu plein de bonnes idées.

Notez le pointeur de la souris. C'est supposé être une main.

‘Gniiiiih’ fait la porte en s’ouvrant.

L’huis clos, déjà. Tout se joue dans cette cabane perdue dans la montagne et dans laquelle les phénomènes étranges s’enchaînent. Apparitions, agresseurs invisibles, changements subtils ou radicaux. La cabane évolue au fur et à mesure de la progression, d’inquiétante se fait oppressante, et devient vite méconnaissable, de quoi faire persister un sentiment d’insécurité chez le joueur qui se sera immergé dans l’ambiance. Les interventions régulières et inattendues de ce que j’appellerai « phénomènes » sans développer pour ne pas spoiler sont savamment pensées et font doucement monter la tension. Le travail sur les sons est quant à lui remarquable et constitue l’un des vrais points forts du jeu. Chuchotements insupportables, cris étouffés, grattements, on a tour à tour l’impression qu’il se passe quelque chose derrière les murs ou que quelqu’un respire juste derrière nous. Quelques mélodies grattouillées, vaguement mélancoliques, interviennent ponctuellement et participent grandement à l’ambiance bizarre d’Anna.

Bizarre, pas effrayante. Car si on est bien témoin ou acteur de choses dérangeantes, à aucun moment on ne se sent en danger. Et pour cause, jamais notre personnage ne sera blessé ou vraiment menacé ! Aucune punition. A ce rythme là, vous pouvez grogner dans mon cou autant que vous voulez ou foutre le feu partout, si en tant que joueur je sais que mon personnage ne risque rien, pas de quoi paniquer. Bien dommage, parce que l’autre grande idée du jeu était de le rendre « réactif » à l’attitude du joueur. «Si quelque chose vous met mal à l’aise, Anna le saura; si vous avez peur, ou pas, Anna le saura et l’utilisera contre vous » disait le trailer du jeu.

En fonction des actions du joueur, Anna est supposée agir différemment, entendez vous envoyer des signes, des manifestations surnaturelles et autres trucs qui font peur, voire changer complètement la fin du jeu. Pour avoir parcouru le jeu plusieurs fois, très court au demeurant puisqu’il se boucle en trois heures en butant sur la plupart des énigmes, je vous confirme qu’il existe bien différentes fins et que bien que la progression reste identique, Anna viendra vous hanter d’une façon différente à chaque fois. Mais rien de bien révolutionnaire non plus. Là encore, on déplore l’absence de vraies conséquences de l’acharnement d’Anna sur le personnage que l’on pourrait imaginer devenir fou et incontrôlable, ou en proie à des crises de panique si la pression s’accumule trop. C’est le parti pris, couillu, de Dreampainter de ne pas avoir utilisé de procédés à la Amnesia (décidément, c’est dur de ne pas le citer celui-là !) pour laisser le joueur réagir de lui-même. Une fois encore, si on sait qu’on ne risque rien, on ne va pas se mettre à fuir ou à chercher à se cacher, ça ne marche pas. Et c’est bien dommage pour un jeu qui mise tout sur son côté angoissant.

Une interface catastrophique, un niveau de finition tout pourri, une trame de fond à la mords-moi le nœud, des énigmes qui n’en sont pas… l’ambiance et l’immersion, supposées être les points forts du jeu, en prennent plein la gueule et la bande-son sympa ne suffit pas à sauver Anna de la médiocrité. Il y avait pourtant de très bonnes idées et le jeu proposait une aventure originale. Dommage.

On aime:

  • L’iconographie païenne omniprésente
  • L’ambiance sonore

On râle sur:

  • La qualité visuelle
  • Les énigmes foireuses
  • L’interface immonde
  • Les icônes d’objets pixellisées
  • Le moteur physique
  • L’histoire inintéressante et superficielle
  • Devoir se logger pour jouer.

Co-papa du blog, gribouilleur de profession et amateur de fromage, le Doude est un gamer au grand cœur qui a élevé le tourisme vidéoludique au rang d'Art. Troquant ses T-shirts d'obscurs groupes de Metal pour une chemise à fleurs, il parle à tous les PNJs, fait des screenshots des paysages juste parce que c'est beau et peut passer des heures à choisir quel pantalon mettre à son personnage pour qu'il soit assorti à son armure du Chaos +7.