Félicitations, souverain suprême: unis sous une même bannière, tous les membres de votre race ont su mettre en commun leur savoir et leurs efforts pour concevoir une technologie qui leur permettra de quitter leur planète natale et de partir coloniser l’espace infini. Et c’est là que le jeu commence. Après un cumul de MILLE heures de jeu, voilà enfin la review d’Endless Space !
Une partie d’Endless Space, c’est une galaxie, huit factions, des étoiles à conquérir et une suprématie à gagner de haute lutte, au tour par tour s’il vous plait. Lâchée avec deux petits vaisseaux en début de partie, votre race de capitalistes / amibes / poulets de guerre / robots / autre entité tentaculaire devra explorer les étoiles et en coloniser les planètes, une par une, pour en tirer les ressources qui lui permettront de prospérer et de prendre l’ascendant sur les autres. En toile de fond, les vestiges d’une race disparue – les Endless, qui régnaient autrefois sur la galaxie – dessinent un lointain objectif à atteindre: la suprématie de votre empire, par tous les moyens. Pis il va en falloir beaucoup, des moyens.
La production de nourriture, d’industrie, de science et de Brume, la monnaie universelle dotée de pouvoirs quasi-mystiques, dépendront du type de planètes accessibles et des ressources qu’elles abritent. Certaines « anomalies » sont aussi à prendre en compte, comme un noyau en fusion, une exposition à des pluies de météorites ou un air psychoactif (qui rend les gens heureux mais cons, c’est rigolo)… ainsi que moult autres paramètres. Endless Space est avant tout un jeu de gestion, dans lequel il vous faudra optimiser, pinailler, tweaker pour maximiser la productivité de vos systèmes. A l’échelle « micro », vous pourrez ainsi déplacer les populations d’un système pour les faire bosser dans un champ d’astéroïdes, très productif en industrie mais pas très agréable pour la vie de tous les jours. Vite insatisfaites, les populations ont tendance à devenir improductives, voire révoltées. Baisser les impôts peut permettre de grappiller facilement quelques points de satisfaction, mais peut rapidement plomber l’économie… que faire alors, migrer vers des planètes plus agréables mais moins productives ? Non, j’ai besoin d’une industrie puissante pour produire une flotte de combat qui tient la route… construire des supermarchés de luxe et mettre en place une politique coloniale plus libérale équilibrera tout ça, mais il me faut alors réorienter ma production vers l’économie pour couvrir les frais, et pourquoi pas ouvrir des voies commerciales avec mes alliés? Putain, c’est dur d’être un overlord galactique. La gestion est assez fine et peut vite tourner au cauchemar si on ne sait pas ce que l’on fait. Autant dire que comme pour tous les jeux du genre, la courbe d’apprentissage est assez longue !
Hé, tu aimes les tableurs Excel ?
Heureusement, l’interface d’Endless Space est un modèle de clarté et d’ergonomie dans laquelle on se retrouve très facilement (sauf dans le cas de figure où un système a plein d’améliorations et qu’il faut scroller dans la liste d’icônes mais c’est vraiment le seul truc que je pourrais lui reprocher). Simple, efficace, de quoi la mettre mi-molle à n’importe quel designer / ergonome. Et heureusement, parce qu’il y a mille choses à gérer, et chaque nouvelle découverte dans les arbres technologiques nous donne accès à un nouveau truc à bricoler. Au nombre de quatre, Sciences Appliquées, Économie / copinage, Armement et Colonisation / Gros Vaisseaux, ils débloquent moult améliorations et ressources à exploiter. S’il est possible de se spécialiser dans une branche, délaisser les autres risque de causer des emmerdes à votre empire: avoir accès aux meilleures armes de la galaxie c’est sympa, mais si vous ne disposez que des carlingues de base pour vos vaisseaux, ça sert à rien. De même, avancer dans l’arbre du commerce sans avoir découvert les ressources intéressantes à échanger aux autres civilisations les incitera à aller voir ailleurs. Tout est dans l’équilibre et la spécialisation technologique ne se ressent vraiment qu’à partir du milieu de partie, une fois que les besoins les plus primaires de l’empire ont été pourvus.
Battlestar Galactica
Parce qu’un 4X spatial ne serait rien sans combat spatial. Vous avez investi en recherches scientifiques pour vous payer les meilleures armes du moment, créé avec amour vos propres modèles de vaisseaux de combat, pinaillé pour faire tenir à la fois les quinze canons laser de vos rêves et le bouclier déflecteur essentiel à la survie de la flotte sur une petite carlingue, réduit vos populations en esclavage pour construire une flotte importante en un temps record, recruté le meilleur amiral à l’académie des héros: il est temps de bouter l’envahisseur hors de vos systèmes et de montrer aux pirates de l’espace qui c’est qui commande ici. Les combats d’Endless Space se présentent tous en trois phases, pendant lesquelles les flottes vont se rapprocher durant une savante manœuvre d’interception en se tirant dessus tout du long avec tout ce qu’ils ont. La phase à longue portée fait la part belle aux missiles, très précis mais facilement interceptables si on a le bon équipement ; la moyenne portée sera l’occasion de faire parler les armes à rayon, alliant la puissance à la précision. Enfin, en phase de courte portée, les primitives armes cinétiques (des grosses balles en fer, quoi) révèleront leur potentiel meurtrier en arrosant tout à bout portant. On ne contrôle pas grand chose durant les combats, si ce n’est l’utilisation de manœuvres spéciales sous forme de « cartes ». Ainsi, l’utilisation d’un système de brouillage ou d’une impulsion IEM pourra vous donner l’avantage décisif si employé à bon escient, au regard de ce que vous avez et du type d’armement de l’ennemi. Certains héros donnent aussi accès à des capacités plus exotiques. Certaines cartes peuvent rendre la manœuvre adverse inefficace, mais tout ça tient un peu du hasard selon moi… dommage. Les batailles sont, d’une manière générale, très sympa à regarder mais un peu longuettes. Le travail en amont – observation des technologies de l’ennemi, recherche scientifique pour avoir des vaisseaux plus performants – joue plus sur l’issue des batailles que les décisions prises dans le feu de l’action. A vous de décider si vous voulez vous spécialiser dans une tactique particulière ou créer des flottes polyvalentes. On notera que les héros gagnent de l’XP lorsqu’ils sont placés à la tête d’une flotte, pouvant ainsi leur donner divers avantages. D’autres préfèreront les assigner au gouvernement d’un système pour en maximiser la production, là encore on se prend bien la tête à calculer, extrapoler, spéculer comme un banquier pour trouver les combinaisons les plus rentables.
Alo oui cer alyen
Sinon, comme on sait tous que la guerre ça a tendance à paralyser une économie (sauf Florian, qui préfère taper avec toute la subtilité qui le caractérise) il reste l’option de la diplomatie. Parce que oui, on peut gagner à Endless Space sans tuer tout le monde, entre autres grâce à la Science, la production de ressources, une suprématie dans le contrôle de la Brume, une couverture territoriale supérieure ou un solide réseau d’alliances. Les différentes races jouables étant dotées d’attributs et d’inconvénients divers et variés, qui varient d’autant la façon de les jouer, c’est pas toujours évident. Les Cravers, par exemple, se déplacent de monde en monde en mangeant toutes les ressources et leur nature belliqueuse les empêche de s’allier à qui que ce soit. On peut imaginer en multijoueur, une alliance cheatée entre les Sophons, qui développent les technologies à toute allure mais peinent à tenir un fusil, et les Hisso, poulets guerriers de l’espace à l’armement bourrin mais pénalisés en recherche scientifique; les uns recherchant les technologies pour garantir à l’autre une suprématie militaire implacable. Pour les plus vicieux, les développeurs ont donné la possibilité de créer sa propre faction avec tout un tas de traits caractéristiques pour pouvoir mettre sur pied la civilisation qui correspond le mieux à votre façon de jouer ! De quoi renouveler sans cesse les parties multijoueurs et ouvrir des possibilités complètement improbables… parties multi assez bien foutues d’ailleurs, puisque bien que se déroulant au tour par tour, tous les joueurs peuvent effectuer leurs actions en même temps, verrouiller leur tour et continuer de donner des ordres en attendant que les autres joueurs finissent leur tour. Par contre, prévoyez une semaine environ pour boucler une grande partie avec plusieurs amis… d’une manière générale, Endless Space est un gouffre à heures dont la voracité n’a d’égale que celle d’un trou noir ou d’une New-yorkaise dépressive. Tout ça pour dire que la gestion des interactions diplomatiques, que ce soit contre l’IA ou des vrais gens, est simple et bien pensée. L’option de « donner » des technologies à un autre joueur, est par contre un peu cheatée et donne un avantage monstrueux si on se coordonne bien avec un pote, mais reste justifiable d’un point de vue roleplay. En tout cas, quand on joue en équipe entre singes, j’aime mieux vous dire que la coordination nous donne la puissance d’un Gurren Lagann galactique qui tue tout sur son passage. Ça donne aussi naissance à moult complots et spéculations sur la façon de se débarrasser de ses partenaires une fois qu’il ne reste plus qu’eux sur la carte…
Et puisqu’on parle de roleplay…
… c’est finalement ce qui manque le plus à Endless Space. Super complet, assez pointu dans la gestion, sobre mais joli visuellement, je lui reprocherais son manque de mise en scène. Une représentation du conclave des empires galactiques en lice, des animations de communications par intercom, bref un peu de vie parce que si, inévitablement, on s’attache à notre petit empire d’humains ou d’amibes télépathes au bout de quinze heures de jeu, il lui manque cette vie que les artworks -très beaux au demeurant- ne suffisent pas à lui donner. Condamné à ne voir de son peuple que quelques lumières à la surface d’une planète, l’empereur tout puissant en viendrait-il à se sentir seul ? Peut-être, ou alors c’est juste moi qui manque de l’imagination nécessaire. On a après tout affaire à un jeu de niche dont l’austérité rebutera plus d’un. Foin de grand spectacle, ici on fait dans la sobriété, le tableau de données, le froid calcul. La conquête de la galaxie est à ce prix!
Il y aurait de nombreux autres points à évoquer mais bon, j’ai pas toute la nuit, l’essentiel est là hein ! Complètement hypnotisant pour qui est drogué à la science fiction, Endless Space c’est un peu le 4X qui ne réinvente pas le genre mais le dépoussière sacrément bien. Et il est ouvert aux mods, bordel ! Je veux bien parier que d’ici un mois, on aura un mod pour jouer dans la galaxie Star Wars avec toutes les factions à la con des films, et plein d’autres bêtises du genre. De plus, les développeurs n’arrêtent pas de faire évoluer le jeu via les votes des joueurs sur Games2gether ce qui est une initiative plutôt sympa !
Ce jeu est une véritable saloperie engloutisseuse de jours, de nuits, de week-ends entiers passés à gérer des empires, et en multijoueur c’est encore pire. Faut aimer le genre, mais une fois qu’on a accroché c’est l’éclate.
On aime:
- L’interface simple, propre, intuitive
- Les différentes factions, originales et très différentes à jouer
- La personnalisation des vaisseaux
On râle sur:
- Les graphismes pas toujours transcendants
- Le manque de tableaux récapitulatifs exhaustifs dans certains menus (commerce, améliorations de systèmes) qui t’obligent à prendre un papier, un crayon et à faire le calcul une fois, deux fois, mille fois… si tu es maniaque comme moi bien sûr