Sérieusement… je n’ai rien contre le rétro ni cette mode des « gros pixels » quand ça apporte quelque chose à l’expérience ou que c’est justifié par un amour maladif et passéiste des vieux jeux qu’étaient tout moches à l’époque faute de moyens techniques… mais des fois, c’est too much.
Date de sortie: mars 2012
Genre: Survival-horror du pauvre
Plate-forme: PC, Mac
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Développeur: Superflat Games
Je dirais qu’on a atteint le « too much » quand l’écran affiche des pixels de la taille d’une carcasse de vache obèse et affligés d’un filtre d’une indescriptible laideur. Comment décrire ça ? Si un vieil écran cathodique pouvait afficher des pixels, ça donnerait le rendu de Lone Survivor. Image sombre, cramée, floutée, et plus grave encore illisible. Les contours se perdent dans cette saturation d’effets, et on n’arrive pas à distinguer un objet d’un autre. J’ai bien essayé de jouer le jeu, de me mettre dans l’ambiance, mais rien n’y fait. Lone Survivor est pourtant un jeu très intéressant: dans la peau d’un jeune homme anonyme, au visage couvert d’un masque chirurgical, nous allons devoir nous frayer un chemin hors d’un immeuble HLM après qu’un mal mystérieux ait transformé tous les humains en monstres difformes, rachitiques et violents, et parcourir un monde ravagé. Rien de bien original niveau pitch donc, c’est grosso-merdo une relecture de I Am Legend avec des ficelles empruntées à Silent Hill, dont l’auteur est fan.
L’essentiel du jeu consiste donc à explorer des lieux abandonnés et délabrés à la recherche d’indices pour retrouver d’autres survivants. Se cacher lorsque retentit un râlement désincarné, indicateur de la présence d’un zombie, fouiller les appartements à l’abandon pour y trouver de quoi manger, retourner à la maison, seule zone « sûre », pour s’y reposer lorsque la fatigue se fait sentir et se nourrir de produits à la fraîcheur douteuse. Se faire brainfucker de temps en temps par une rencontre improbable au détour d’un couloir, et prétendre qu’on ne distingue plus la réalité des hallucinations. Noter les changements dans l’environnement, les portes bloquées et les passages qui s’ouvrent ou se ferment mystérieusement, lire les élucubrations d’autres survivants disparus. Voilà le quotidien de notre survivant solitaire, dont la santé et la stabilité mentale sont en péril à tout instant. Bien. Très bien, même sauf qu’on n’y croit pas. Déjà que la vue en 2D n’est pas terrible pour l’immersion, je ne ressens aucune sympathie pour ce personnage qui geint à tout va, feint l’amnésie, marmonne et cache ses troubles obsessionnels compulsifs sous une couche de simili-humour dépressif. Ce type n’est ni un héros, ni un homme du peuple, ni même une projection du joueur, c’est une loque. Il se dit hanté par l’angoisse de mourir seul et anonyme et met autant d’entrain à survivre et avancer qu’un homard à se jeter dans la marmite d’eau bouillante qui le tuera certes rapidement, mais au prix d’une douleur fulgurante et continue (due à l’indépendance de son système nerveux par rapport à son cerveau). Pour faire court, il m’emmerde et j’ai envie de le laisser crever là dans son appart pourri. Les créatures n’ont de menaçant que les sons qu’elles émettent (une fois qu’on a compris leur fonctionnement, plus de surprises) et, d’une manière générale comme je l’ai déjà lourdement souligné ci-dessus, les graphismes sont un échec. Une superposition d’effets pourris pour cacher la misère d’un parti-pris inadapté, peut-être. Si on coupe le son, il ne reste pas grand chose…
Bien qu’il m’en coûte de dire du mal d’une production visiblement très personnelle dans laquelle on sent beaucoup de passion et d’investissement, j’ai du mal à y voir autre chose qu’un hommage à Silent Hill habillé pour coller à la mode du moment. Trop d’ambitions, peut-être ? Alors bien sûr, on peut se la jouer branlette intellectuelle et prétendre que cet aspect sale et illisible est le moyen de retranscrire l’état d’esprit d’un personnage désorienté et à côté de ses pompes, un peu comme dans le film Limitless lorsque le protagoniste traverse des périodes de dépression et que l’image perd ses couleurs et sa lumière. Ça tient debout et ne me dérangerait pas si ça ne nuisait pas à tout le reste, de la lisibilité sauvagement sacrifiée à l’ambiance inexistante.
J’en avais lu beaucoup de bien, et me voilà très déçu: Lone Survivor a juste des bons côtés sympas, et des défauts trop gros pour être qualifiés de choix artistiques. Il ne fait pas peur, n’a pas d’histoire, pas de charisme à trouver du côté du protagoniste et est moche. Reste la bande-son qui sauve un peu l’ambiance. Un survival-horror sans ambiance, vous en conviendrez, c’est un peu comme un café sans eau dedans: mauvais.
On aime:
- La musique, bien qu’ostensiblement pompée sur celle de Silent Hill
- L’état de décrépitude morale du personnage, bien retranscrit. Ça plaira aux amateurs de branlette intellectuelle, peut-être…
- Les « monstres » dont les attitudes évoluent de manière surprenante
On râle sur:
- Le non-charisme de ce connard de protagoniste
- Les graphismes dégueulasses
- Les items invisibles dans la bouillie de pixels (à cause des graphismes dégueulasses)
- La non-ambiance qui fait pas peur (à cause des graphismes dégueulasses)