par Doude le 28 août 2012
  • Date de Sortie
  • Genre
  • Plate-formes
  • Développeur
  • Juillet 2011
  • Méta-FPS / Cyber-RPG
  • PC
  • Streum On Studio
 

E.Y.E : Divine Cybermancy

Oh voui, oh voui un vrai RPG cyberpunk !

EYE est un FPS avec une dimension RPG très, très prononcée prenant place dans un univers pour le moins original auquel on collera l’étiquette « cyberpunk » même si c’est pas tout à fait vrai. Séduisant et plein de promesses…

Nous jouerons un soldat de l’EYE, super-organisation théocrato-fasciste, embarqué dans une lutte contre la Fédération, genre de gouvernement global et totalitaire de l’Humanité, et la Force Méta-Streumonique (si, si), un tas de euh… de monstres. Dans ce futur sombre, c’est encore la guerre, tout le monde a des implants cybernétiques, les racailles sèment le chaos dans les rues avec des armes hi-tech, les policiers sont des pourris vendus aux corporations privées, il y a des extra-terrestres et on peut faire de la magie.

Woaw. Dans ce terreau fertile fait d’un mélange de compost tiré de vieux univers (Deus Ex, Warhammer 40K, Ghost in the Shell…) et d’un humus de belles idées originales, y’a bien moyen de faire pousser un grand et beau jeu, non ? Eh bien, oui et non.

Votre jambe est cassée. Votre jambe est cassée. Votre jambe est cassée.

Je suis pourchassé par un aircraft dans les égouts, des zerglings spawnent en masse, j’ai quatre jambes cassées et mon stimpack est vide. Une journée normale dans le monde d’EYE.

Oui, parce qu’en effet EYE a plein de trucs sexy dans le ventre, à commencer par une fiche de personnage bien complète et à plusieurs couches. A quelle sauce voulez-vous manger vos adversaires ? Vous avez l’option classique d’investir en Force pour leur latter le visage à coups de katana, ou en Précision pour les armes à feu. Plus marrant, on peut pirater à peu près tout ce qui est cybernétique (y compris la plupart des gens, donc) pour contrôler le cerveau d’un soldat, détruire une tourelle, ou voler de l’argent dans les distributeurs automatiques. On a aussi l’option ‘PSI’ pour se dédoubler, faire sortir des monstres du corps des gens, infliger diverses malédictions voire invoquer un dragon. Complètement optionnelle mais tellement funky, la fiche des améliorations cybernétiques vous ouvrira les voies de l’invisibilité, de multiples visions (détection des implants, des ondes, à travers les murs, dans la nuit, toussah), de la précision surhumaine, ou des trucs de ninja comme faire des sauts improbables et courir super vite. Oui, ça lorgne beaucoup du côté de Deus Ex, de ce côté là !

On peut aussi jouer à l’ingénieur et spawner de petites tourelles ou des drones. Beaucoup d’options de création de personnage donc, accessibles à la fois via le système d’expérience (je tue donc je pexxe et je répartis les points) étonnamment proche de celui d’un hack n’ slash, et l’argent du jeu (le Brouzouf, si, si ils ont appelé ça ainsi les sagouins) que l’on peut investir en sortilèges, armes ou implants voire un peu en tout (ce qui est rarement une bonne idée).

En conséquence, les possibilités en jeu sont multiples et la tactique est véritablement à la discrétion du joueur. Vraiment, vraiment appréciable et jouissif en début de campagne où les cartes ouvertes et la difficulté pas encore trop démente nous permettent de tester un peu tout ce qu’on a en stock. Cette volonté d’ouverture du gameplay est d’ailleurs soulignée par les différentes façons de résoudre une mission. D’une manière générale, pour résoudre une même situation, on pourra rentrer dans le tas, négocier avec les factions en présence, jouer sur les tensions entre les antagonistes ou encore falsifier des infos pour les pousser à s’entretuer. Des options plutôt riches même si elles semblent parfois un brin artificielles.

La mode est aux masques mortuaires, cet été.

Hybrides de Chevaliers Gris et d’Illuminatis, certains persos ont des armures vraiment classes.

Au rayon des trucs sexy qui font dire oui à EYE, il y a cette entité mystérieuse qu’on appelle la Direction Artistique (clairon et trompettes) qui, disons-le, se fait tellement plaisir dans ce jeu que ça en devient génial. Les villes sont de véritables métacités de cyberpunk: grandes, sales, mêlant vieilles briques et équipement hi-tech, les murs dégueulent câbles et humidité suintante à la lueur colorée des affiches de pub holographiques. Les personnages ont un look très particulier, et si celui des « pillards » est oubliable avec son mélange de coupes afros, de casques à pointe et de lunettes de soleil kikoo, les soldats des différentes factions sont très classieux. Avec leurs armures cybernétiques inspirées de celles des Templiers, Samouraïs ou d’uniformes nazis de l’espace, on s’éloigne des poncifs du genre pour aller voguer sur la vague du kitsch, ascendant Caste des Méta-Barons, ce qui est pour le moins dépaysant. L’humanité traverse une époque étrange et baroque, et ça se sent.

Il y a aussi le multijoueur, qui permet, ô joie, outre les classiques tueries de FPS à plusieurs, de faire la campagne avec un pote. Ce qui peut s’avérer utile parce que le jeu est bien dur parfois.

 

Ton dessin il est joli, mais la craie sur le bitume ça s’efface vite, tu sais.

Trêve de louanges, car voici venu le temps de la contre-argumentation, et de toutes ces merdes dont le jeu est truffé et qui me feront dire que ben, non, même si mon cyber-cerveau a frémi de plaisir en hackant, shootant et explorant des heures durant, EYE n’est pas bon. Car voyez-vous, ces trucs cools viennent avec leur lot de contraintes et Streum On n’est qu’un petit studio de passionnés à qui il aurait fallu une dizaine d’années pour abattre proprement le travail gigantesque qu’un titre aussi ambitieux aurait nécessité. Citons, en vrac: les missions qui se résument à faire des dizaines d’aller-retours dans la même map, map immense et si désespérément vide qu’il a fallu recourir à un désastreux système d’auto-respawn de masse pour les peupler, les graphismes qui oscillent entre le joli-sans-plus et le scandaleux aplatissage de photo sur polygone, les interfaces anti-ergonomiques des menus et de l’inventaire, le flou total dans lequel on navigue quant à l’utilité de certaines compétences ou implants, voire des pans entiers de gameplay qu’il nous faut découvrir à tâtons et que l’on ne découvre souvent qu’après plusieurs heures de jeu (je pense en particulier au mystérieux système de karma et à la jauge de santé mentale, au fonctionnement des « recherches » de technologies et aux améliorations d’implants, mécanique pourtant centrale dans le jeu !)… ne parlons même pas des dernières missions du jeu, d’immenses maps sur lesquelles il faut se contenter de se déplacer d’un objectif à l’autre pendant que toute logique disparaît dans un maelström de batailles générées par l’auto-respawn… pendant que des factions antagonistes se tirent dessus à un kilomètre de distance (car l’IA voit très loin, dans ce jeu), il ne nous reste plus qu’à courir et bourriner sans réfléchir au milieu de ce beau bordel permanent. Exit les différentes options, exit la finesse, tout ça n’a plus cours ici et on retrouve l’ambiance des vieux mods amateurs d’Unreal Tournament : de la violence gratuite non-stop et des bugs à la pelle. Désagréable.

On évoquera pour finir le système de sauvegarde assez lunaire et le système de « resurrectors » qui va de pair avec.

En plus des fois c'est buggé.

Ce niveau est une aberration de game-design: immense, labyrinthique, l’action se focalise sur une infime portion et tout le reste est vide.

Que j’vous explique: dans EYE, vous ne choisissez pas de sauvegarder, mais à chaque fois que vous lancez le jeu, votre personnage apparaît dans une salle dans sa tête, dans laquelle il y a une porte qu’il faut passer pour se retrouver au début du dernier niveau visité, ce qui relance la mission en cours au dernier objectif atteint. Pfiou, compliqué… de plus, la mort n’est permanente que si vous tombez à cours de « resurrectors », des trucs que vous avez en nombre limité et qui vous font respawn là où vous êtes mort après un petit temps de latence, apparentés à des points de destin pour les rôlistes parmi nous. Ce qui est complètement con, puisque le pack de créatures qui vous a tué par derrière sera toujours là et vous re-tuera, ce qui utilisera un autre resurrector, etc. On notera qu’en plus, il arrive que la machine ne fonctionne pas et vous renvoie directement à la fameuse salle, ou que la mort inflige des blessures permanentes à votre personnage, réduisant ainsi ses points de caractéristiques durement acquis. Pour en remettre une couche, le système de respawn que je qualifiais plus haut de « désastreux » a ceci de particulier qu’il fait apparaître snipers et bestioles diverses dans votre dos à intervalles réguliers. Ce que certains qualifieraient d’ « hardcore » n’est, pour moi, qu’une erreur de game design. C’est pas difficile, c’est juste irritant et ça transforme ce qui n’est dans la plupart des jeux qu’une simple formalité technique en incarnation virtuelle du SIDA dans toute sa haïssable splendeur. Et en plus faut se retaper cette putain de salle au début de chaque partie, avec le même putain de dialogue…

Petit clin d'oeil à Cowboy Bebop ?

Rater un piratage peut vous coûter d’être infecté par un virus. On peut même en mourir ! Se faire tuer par le firewall d’une porte, c’est quand même la honte…

On finira sur l’écriture, navrante, d’une histoire pourtant riche et intéressante. Le fait que la mise en scène soit inexistante et les dialogues de simples textes dans une box, c’est une chose, que ce soit écrit par un enfant de dix ans qui fait des fautes d’orthographe grosses comme la Lune, c’en est une autre, moins pardonnable. Je vous avouerai que j’ai eu la flemme de lire les pages et les pages du background brouillon qui sert d’histoire à l’univers d’EYE, et que j’ai préféré grappiller des infos au fil de la campagne. Au temps pour le touriste de compétition qui lit tous les livres qu’il trouve dans Skyrim ! De même, les dialogues avec les personnages sont ponctués de piques d’humour con que je trouve bien décalé dans un univers aussi sombre, et qui n’aident pas à s’immerger dans un monde qui, pourtant, ne demande qu’à absorber l’esprit du joueur un peu rôliste! Point positif, les voix sont doublées dans une langue imaginaire qui fait penser à du Chinois, étrange dialecte qui serait l’évolution d’une langue unique adoptée par toute la population du Monde, peut-être ?

Du jeu de rôle, dont EYE est d’ailleurs né, on retiendra l’ouverture et les multiples possibilités offertes au développement du personnage, ainsi que l’univers dépaysant à souhait. Les dialogues aussi, qu’on pourrait apparenter au délire de joueurs bourrés et fatigués après une longue session de roleplay nocturne d’ailleurs. Pour le reste, il manque un gros, gros polissage parce que là, les défauts sont tellement gros que ça chie tout le plaisir. Dommage, il y a dans Divine Cybermancy tant de bonnes idées ! Mais j’ai confiance, les devs travaillent d’arrache-pied pour corriger tout ça, et les patchs déjà sortis ont corrigé bon nombre de bugs. Wait and see, et bonne chance pour la suite !

On aime:

  • L’univers et son design un peu fou
  • L’éventail de possibilités
  • Les implants cybernétiques !
  • Plein de trucs à découvrir

On râle sur:

  • Les aller-retours incessants
  • Le level design détestable de certaines maps (Noctis Labyrinthus, le QG du EYE, etc.)
  • Les graphismes parfois dignes du pire des années 90
  • Les aberrantes fautes d’orthographe de partout
  • Le système de sauvegarde, pas tout à fait incohérent mais juste… bizarre. Et chiant
  • Les bugs, encore nombreux
  • Les interfaces
  • Le respawn des ennemis, sans logique aucune

On aime


On râle sur


Co-papa du blog, gribouilleur de profession et amateur de fromage, le Doude est un gamer au grand cœur qui a élevé le tourisme vidéoludique au rang d'Art. Troquant ses T-shirts d'obscurs groupes de Metal pour une chemise à fleurs, il parle à tous les PNJs, fait des screenshots des paysages juste parce que c'est beau et peut passer des heures à choisir quel pantalon mettre à son personnage pour qu'il soit assorti à son armure du Chaos +7.